Petit extrait :
« Je
n'ai jamais su expliquer le pourquoi de cette attirance. Poser les
pieds sur une île représente sans doute une manière symbolique de
s'approprier « l'ailleurs ». De concrétiser des
territoires oniriques, de tenter d'approcher des modes de vie
différents, parfois en marge. Mes premiers bouts de terre
insulaires, je les ai découverts durant l'enfance, quand mes séjours
finistériens en famille nous permettaient d'accéder plus aisément
aux îles voisines, l'archipel des Glénan, Sein, Groix... Déjà à
cette époque, j'avais cette curiosité pour les populations îliennes
avec ce questionnement qui me suivra toujours : d'où venait ce désir
d'isolement en des lieux où la vie n'est pas forcément
complaisante. Je trouverai, en lisant les lignes que Lucien Boulain
consacrait à l'île de Sein1,
une amorce de réponse : « Au milieu de ces alternatives de
tempêtes, de gros temps, dans cette solitude presque continuelle,
cette population aime-t-elle au moins son île ? La réponse est
facile à faire. Ils s'arrachent difficilement à leurs rochers,
quand ils sont au continent depuis un jour ou deux, ils semblent
s'ennuyer. Ils ont hâte de retourner, paraissent inquiets si le
temps vient à changer et menace de les retenir pour une autre marée,
les femmes surtout, bien qu'elles redoutent le mal de mer qui doit
les reprendre ». Aimer... vivre sur une île ne peut se
faire sans un sentiment profond d'Amour pour cette terre d'accueil.
Plus
tard, ce seront d'autres îles, pour certaines fort lointaines, la
Guadeloupe, les Saintes, puis beaucoup plus proches, Aix, Jersey,
Guernesey... que j'aurai le désir profond puis le plaisir de
parcourir. Et toujours ce questionnement récurrent, comment l'homme
s'est-il approprié les lieux en transformant un territoire parfois
vierge en un lieu mûri à son image. Un lieu où l'on s'installe
pour ne plus vouloir le quitter, un lieu parfois rêvé qui permet de
vivre autrement en sortant des normes de la société. Un lieu où
l'on recherche une forme de tranquillité, offrant refuge et
intimité. Un îlien devient de fait un « être géographique ».
1« Raz
de Sein » de Lucien
Boulain, 1893.
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