Il
ramassa une à une toutes les larmes, en remplit de nombreux seaux,
croyant ainsi effacer la tristesse des filles de l’Océan, et les
ramena chez lui. Il les jeta dans un grand feu et en fut soulagé.
Une épaisse fumée noire et malodorante s’en échappa ; les
sirènes devaient être bien malheureuses. Le lendemain, arrivé
près des vagues, il eut un haut-le-cœur : à nouveau les
sirènes avaient pleuré.
Ragotin
reprit son seau et les ramassa toutes jusqu’à la dernière, il
passa la journée courbé sur l’estran. A la nuit tombée, il
rentra chez lui et à nouveau, brûla tout. Mais cette fois-ci, il
ne se sentit pas apaisé. Comme il le craignait, le lendemain, tout
était encore recouvert de larmes.
Et
chaque jour, chaque matin que le soleil éclairait, la plage se
parait de milliers de gouttelettes dures et salées. Chaque jour,
chaque matin, Ragotin ramassait, ramenait et brûlait. Il y passa
des journées, il y passa des mois, il y passa des années, il y
passa sa vie. Il s’y épuisa.
Une
dernière fois, très, très âgé, Ragotin partit dire adieu à sa
plage, toujours maculée de larmes. Assise sur un tronc, la fée des
fonds marins le salua et le remercia d’avoir consacré sa vie à
l’Océan.
Le
lutin lui demanda pourquoi les sirènes pleuraient tant, depuis tant
d’années. La fée sourit tristement et lui répondit simplement
que c’était à cause de l’homme qui salit la mer. Et Ragotin
pleura.
Les
larmes de sirène existent, malheureusement. Ce sont de petites
perles translucides de plastique que l’on peut trouver sur le sable
par milliers, mélangées aux algues et aux branches que la mer
dépose sur la plage après une marée haute. Ces billes sont
fabriquées par l’homme qui les utilise dans l’industrie du
plastique où elles sont fondues pour créer des objets de tous les
jours comme des bouteilles, des jouets ou des pochons pour les
courses. Ces perles proviennent d’usines, de camions ou de bateaux
qui les transportent, perdues par accident ou négligence dans les
cours d’eau ou la mer. Très difficiles à ramasser de par leur
petite taille, ces perles sont aussi terriblement toxiques pour les
animaux du littoral. Ces derniers comme les oiseaux de mer ou les
poissons les avalent et s’empoisonnent, pensant manger de petits
organismes marins.
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